Administration publique et logiciel libre

Le naufrage des stratégies informatiques du gouvernement du Québec

Il y a maintenant dix ans, l’Assemblée nationale du Québec adoptait une motion qui « salue toute initiative en vue de l'édition et de la diffusion de logiciels libres au Québec » et qui « encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour promouvoir l'utilisation du logiciel libre au sein de l'administration publique ».

Cette motion adoptée à l’unanimité sous le gouvernement Marois est l’aboutissement d’une stratégie gouvernementale initiée par le gouvernement Charest deux années auparavant.
La ministre libérale Michelle Courchesne avec l’appui de sa collègue du Parti Québécois Marie Malavoy, fait adopter un nouveau règlement sur les marchés publics obligeant l’administration à considérer les logiciels libres pour chaque projet informatique gouvernemental.
Quelques mois plus tard, sous la pression de la haute fonction publique et de lobbys, le gouvernement Couillard fait marche arrière toute et fait adopter un nouveau règlement sur les marchés publics informatiques qui ferme définitivement la porte, non seulement aux solutions en logiciel libre, mais aussi aux solutions innovantes des entrepreneurs québécois.
Poursuivie et amplifiée par le gouvernement Legault, cette politique a des effets très rapides et concrets.
En réservant exclusivement les milliards de dollars investis dans la transition numérique aux multinationales étrangères, les entreprises québécoises du numérique sont peu à peu asphyxiées, et c’est toute l’industrie du logiciel au Québec qui, en quelques années, s’effondre, ainsi que le bouillonnant et très dynamique écosystème des entrepreneurs québécois de l’innovation.

Le logiciel libre
De même que l’industrie pharmaceutique ne peut exister qu’en s’appuyant sur un réseau de laboratoires de recherche qui échangent librement et de manière ouverte les résultats de leurs recherches, l’industrie du logiciel ne peut se développer qu’en s’appuyant sur un réseau collaboratif, lieu d’innovations et de créations. C’est ça le logiciel libre.
Sans écosystème du logiciel libre vivant et dynamique, point d’industrie du logiciel tout court.
On ne sera pas étonnés de voir que les plus importants contributeurs mondiaux de logiciels libres se trouvent être précisément les plus gros producteurs de logiciels, dont Microsoft, Google et IBM.
On remarquera aussi que toutes les innovations récentes en génie logiciel, de la blockchain à l’intelligence artificielle, sont issues de ces écosystèmes.

Producteur ou consommateur
En faisant du Québec un consommateur de logiciels et non un producteur, l’État ne se condamne pas seulement à échouer dans sa propre transition numérique, mais s’interdit toute politique économique efficace quel que soit le secteur économique.
L’informatique est un secteur économique transversal qui irrigue tous les autres. Du secteur manufacturier, agricole, culturel, de la santé, de l’éducation, à l’économie des services, l’informatique s’infiltre partout, dans tous les interstices sociaux-économiques de l’activité humaine.
Les gains de productivité et les innovations, tous secteurs économiques confondus passent aujourd’hui par les technologies de l’information.
Sans souveraineté informatique, pas de souveraineté économique tout court.

La fiction de la pénurie de main d’œuvre
La pénurie de main d’œuvre est un point connexe sur lequel il faut s’arrêter. C’est l’argument-massue qui clôt toutes discussions au sujet des stratégies informatiques avec nos décideurs politiques. Nous n’aurions le choix, en raison de cette pénurie, que d’acheter des solutions informatiques « sur tablette auprès de multinationales étrangères. Le Québec ne compterait pas suffisamment d’ingénieurs qualifiés pour mener ces grands projets numériques; la génération des baby boomers partant à la retraite, elle laisse un grand vide sur le marché du travail.
Observons tout d’abord que ce n’est pas chez les baby boomers que l’on compte le plus d’informaticiens.
Remarquons aussi que le Canada a accueilli cette année près d’un million d’immigrants sur son sol, dont de très nombreux experts hautement qualifiés dont le Québec profite largement.
Par contre, on doit interroger les subventions massives et coûteuses à l’industrie du jeu depuis 25 ans (37 % des salaires pris en charge par l’État !). Cette industrie verticale, sans valeur ajoutée pour les autres secteurs économiques, siphonne les meilleurs ingénieurs du secteur informatique et crée une inflation sur les salaires, perverse pour les PME/PMI québécoises.

Un gâchis incommensurable
Passons sur le projet SAGIR, projet d’informatisation de l’État qui date de plus de 25 ans et qui n’est toujours pas terminé. 115 millions de dollars engagés pour le seul mois de juillet dernier, juste en ressources externes, auxquels il faut ajouter les coûts de licences et d’opérations [1].
Passons sur le projet informatique de la SAAQ débuté il y a 8 ans, qui démontre, comme pour le projet de paie fédéral Phénix, que les solutions propriétaires sont tout simplement technologiquement inadaptées aux systèmes d’information modernes.
Passons sur le projet d’identité numérique québécois, où l’on apprend qu’après sept ans, c’est finalement une technologie américaine fermée qui sera choisie.
Passons sur tous ces projets gouvernementaux qui ne cessent pas d’échouer ou de toujours plus coûter, car il y a plus grave.
En détruisant systématiquement l’industrie du logiciel au Québec, c’est toutes les petites et moyennes entreprises et de nombreuses filières spécialisées qui se trouvent fragilisées par cette stratégie économique. Dans son dernier rapport, le ministère des finances annonce que l’entreprenariat a chuté de 19 % et que la tendance semble lourde et durable.
Nos PME/PMI, faute de capacité à se moderniser, disparaissent les unes après les autres. Les chambres de commerce régionales tirent toutes la sonnette d’alarme.

Le naufrage
Il fallait voir le ministre Dubé à la télévision annonçant que le marché du dossier de santé numérique québécois avait été attribué à la multinationale américaine EPIC pour un montant (initial) de 3 milliards de dollars. Son regard était fuyant, son ton grave et ses phrases hésitantes.
Il pouvait mesurer en direct l’effet des politiques destructrices de tout l’écosystème des PME québécoises de l’innovation qu’il avait lui-même menées ces dernières années sous la direction du premier ministre.
Le lecteur pourra mesurer ce que 3 milliards de dollars veulent dire. C’est, dans chacune des 17 régions du Québec, une entreprise de 350 ingénieurs informaticiens hautement qualifiés à qui l’on donnerait 35 millions de dollars de contrats par an pendant 5 ans. Ou bien, c’est 6000 ingénieurs payés 100 000 $ par an pendant 5 ans.
De plus, 3 milliards de dollars injectés dans l’économie locale, c’est un investissement public avec un rendement supérieur à 1. En effet, par les retours d’impôt qu’il produit en cascade, c’est une dépense qui rapportera largement plus à l’arrivée. Ce sont des économies régionales revivifiées, des PME prêtes à affronter les marchés à l’export, un capital humain précieux et mobilisé.
Des décideurs politiques qui ne font pas confiance à leur propre peuple pour relever les défis de leur temps méritent-il de diriger le Québec ?

 

« Bordel informatique » : le double jeu des syndicats de la fonction publique.

Le Journal de Montréal/Québec/Saguenay ont publié ce matin une lettre ouverte écrite par votre serviteur.
http://www.journaldemontreal.com/2015/03/23/bordel-informatique---le-dou...
On s'en reparlera. En attendant, je vous laisse méditer sur le lien entre cet article et mon billet précédent sur ce blog concernant le réglement sur les marchés publics.

Migration des postes de travail : lettre ouverte d'un fonctionnaire de Québec

Si vous êtes un fonctionnaire de la fonction publique québécoise concerné par les technologies de l'information, cette lettre ouverte vous est destinée. Je l'ai reçue dans ma boîte aux lettres ce matin. Signée "Employé de la fonction publique du Québec", il s'agit de quelqu'un qui manifestement connait bien le sujet. Je trouve cette lettre très pertinente.

Économie du logiciel libre et noeud borroméen

Je fais souvent référence dans mes interventions au nœud borroméen pour représenter la logique du modèle économique du logiciel libre. Mais comme il s'agit de présentations orales, je me suis aperçu qu'il n'y avait nulle trace écrite de cela. Pour les curieux, j'ai retrouvé une réponse que j'avais faite à Travaux Publics Canada à un appel d'informations que ce ministère avait lancé sur le logiciel libre en 2009. Ce document est toujours d'actualité et s'appuie précisément sur le nœud borroméen :

20090222-TPSCG-LL-1.pdf


Bonne lecture !

Intervention en commission parlementaire sur la loi 133

Vous trouverez plus bas le contenu de mon intervention au cours des auditions de la commission parlementaire des finances sur la loi 133. Si vous souhaitez voir l'ensemble de l'audition (présentation et échanges avec les parlementaires) vous trouverez cela ici :

http://blogs.gplindustries.org/cyrilleberaud/CommissionFinance-APELL-133-QC.avi

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les députés,

Je voudrais tout d'abord vous remercier de permettre à notre association de s'exprimer sur le projet de loi 133 portant sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement.

Nous avons effectivement la prétention de pouvoir contribuer à l'amélioration de cette gouvernance et de participer à ce débat dont les enjeux sont absolument essentiels pour l'avenir du Québec.

Les enjeux

En effet, ces vingt dernières années, l'écart des gains de productivité entre le secteur privé et le secteur public s'est accru significativement, ayant pour résultat, en proportion, un accroissement important des coûts pour les citoyens et ce, à services constants.
Cette situation, vous le savez, met l'État devant ce choix implacable : soit augmenter les taxes ou l'endettement, soit réduire les services. L'amélioration de la productivité de l'État s'avère être la seule solution.

La révolution des technologies de l'information et de la communication est au cœur de l'extraordinaire accroissement de productivité dans le secteur privé.  L'État doit donc prendre appui sur ces nouvelles technologies afin d'améliorer son efficacité.

Il y a une autre raison pour laquelle ces enjeux sont fondamentaux. À quoi bon promettre un système de santé efficace, à quoi bon promettre une ré-ingénierie ou une dé- bureaucratisation de l'État, si par l'incapacité à mener à bien les mutations de son système d'information, ces promesses non seulement restent vaines, mais en plus alourdissent le poids des charges des contribuables ? À chaque projet informatique qui échoue, c'est la parole publique, votre parole, qui est dévalorisée, discréditée. À chaque projet informatique qui échoue, c'est notre démocratie qui est mise en échec.

Ces deux raisons que je viens d'évoquer, au fond, vous les connaissez. J'aimerais en mentionner une troisième qui trouve ses fondements dans le fait qu'au cours de ces vingt dernières années, les ordinateurs ont commencé à communiquer entre eux. Cette mise en réseaux a permis de nouveaux gains en efficacité, de nouvelles possibilités pour chacun de nous et pour chaque organisation. Elle nous a permis de communiquer rapidement et collectivement, d'organiser notre travail ou notre mission différemment, de collaborer et de partager le fruit de notre travail. En numérisant l'ensemble de nos connaissances, cela nous a permis d'accéder aux savoirs des autres, mais également de permettre à d'autres d'accéder aux nôtres. Bref, de cette mise en réseaux, a émergé une nouvelle forme d'intelligence collective qui est bien plus que la somme des parties qui la compose. Ainsi, en se connectant, ces ordinateurs, ces données, ces applications qui les manipulent, sans que nous nous en apercevions, changent la nature même de l'outil. Celui-ci ne se limite plus à automatiser des processus de production. Mis en réseaux, il constitue désormais la colonne vertébrale, le système nerveux et la mémoire de l'État.

C'est ainsi que l'État est devenu dépositaire, sans même qu'il s'en soit rendu compte, d'une nouvelle responsabilité. Celle d'enrichir, de développer et de protéger ce qui constitue, non pas les actifs informationnels de l'État, mais ce que je préfère appeler pour ma part, le patrimoine numérique de l'État du Québec.

Ce patrimoine numérique est un bien public qui appartient à chaque québécois. Il est déjà devenu, et le sera plus encore demain, la source de création d'immenses richesses. Il est la voie par laquelle les générations futures bâtiront l'État moderne dont elles auront besoin.
Notre prochain défi est de mettre à la disposition de la collectivité l'ensemble de ces richesses. C'est ce qu'on appelle le gouvernement ouvert.

Comme vous le voyez, les enjeux de la gouvernance des ressources informationnelles sont cruciaux et déterminants pour l'avenir du Québec.

Le diagnostic.

Avant d'envisager les solutions proposées pour améliorer la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles, il nous faut faire un diagnostic le plus précis possible.

Comment expliquer la succession d'échecs dans la mise en œuvre de nombreux projets informatiques gouvernementaux ces dix dernières années ? Comment expliquer les défaillances dans la gestion de la plupart de ces projets, comme en témoignent les dépassements de coûts systématiques, et souvent dans des proportions faramineuses ?

Les systèmes d'information des organisations, et en particuliers ceux de l'État, sont devenus des systèmes fortement intégrés, complexes, hétérogènes et en mutation constante.

Ce changement mal anticipé de paradigme explique, d'après nous, en grande partie l'impasse à laquelle ont menées les politiques précédentes.

Pour mettre en œuvre ces systèmes d'information modernes, l'organisation se doit d'abord d'être maître de l'ensemble de ses composants. Elle doit en être pleinement propriétaire.

Elle doit posséder l'outillage technologique nécessaire. Enfin, elle doit mettre en œuvre une méthodologie de gouvernance de projet adaptée.

En utilisant massivement des logiciels qui, par leurs licences, restreignent drastiquement l'usage qu'elles peuvent en faire - je parle ici des logiciels privatifs -, les administrations se sont privées de la liberté d'adapter continuellement leurs outils à leurs besoins. Ceci entraînant un surcoût et un gâchis de ressources financières et humaines incommensurables.

En se privant d'utiliser l'extraordinaire boîte à outils disponible sur Internet, elles se sont condamnées à reconstruire sans cesse ce qui existait déjà.

Enfin, en mettant en œuvre des méthodologies de gouvernance de leurs projets dépassées, elles se sont privées de la mutualisation extrêmement bénéfique des ressources logiciels et de l'expertise humaine rare et coûteuse.

Le logiciel libre est la réponse apportée par l'industrie du logiciel pour bâtir les nouveaux systèmes d'information modernes. Incontournable, il est devenu la norme dans cette industrie à travers le monde.

Il n'est pas une garantie en soi du succès des projets informatiques. Bien d'autres paramètres rentrent en ligne de compte. Mais l'APELL affirme que le logiciel libre est la seule voie possible pour bâtir des systèmes d'information modernes.

Qu'est-ce que le logiciel libre ?

Tout d'abord, il est essentiel d'indiquer que les logiciels libres ne sont pas des produits en plus ou de nouveaux produits. Ce ne sont pas des solutions. Les logiciels libres ne constituent pas une alternative. Ils sont véritablement une nécessité des systèmes d'information modernes. Ils permettent de bâtir des systèmes d'information complexes, hétérogènes et en mutation constante.

Les logiciels libres sont avant tout une fantastique innovation organisationnelle.

Le modèle du logiciel libre se constitue autour de trois éléments inséparables, qui en font sa qualité :
1. Un cadre juridique adapté.
2. Un vaste ensemble de composants logiciels.
3. Une méthodologie.

Le premier élément est le cadre juridique adapté : il s'agit de la licence GPL et de ses dérivées qui organisent le commerce du logiciel sous la forme d'un marché libre et concurrentiel. Cette licence donne le droit d'étudier, de modifier, de redistribuer le logiciel qu'on aura éventuellement pu acheter.  Ainsi, par ce cadre juridique, l'organisation qui l'utilise est pleinement propriétaire de son logiciel.

Le deuxième élément concerne un vaste ensemble de composants logiciels disponibles sur Internet qui répondent à la plupart des besoins existants en informatique. Certains sont élémentaires, d'autres constituent des ensembles complets.
Ces briques permettent de bâtir rapidement et efficacement des systèmes complexes et sophistiqués. Elles sont disponibles dans la plupart des cas, gratuitement.

Le troisième élément est d'ordre méthodologique. Il se compose d'un ensemble de méthodologies que l'on désigne sous le nom d'Agile. Elles permettent d'appréhender la complexité, d'organiser les développements collaboratifs, d'assurer une utilisation optimum des ressources, en organisant la mutualisation de l'expertise et des composants logiciels.

Le logiciel libre, de par sa nature, assure la pérennité des investissements logiciels, matériels et humains.

Il est la condition de la modernisation de l'administration publique.

Le remède proposé.

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les députés,

La loi 133 proposée donne au gouvernement les moyens juridiques et organisationnels afin de mettre en œuvre la politique-cadre que celui-ci souhaite mener.

Cette politique se résume en cinq points :
• tirer profit des ressources informationnelles en tant que levier de transformation;
• investir de façon optimale et rigoureuse;
• optimiser la gestion de l'expertise et du savoir-faire;
• assurer la sécurité de l'information;
• tirer profit des logiciels libres.

Tout d'abord, je voudrais dire que l'Association Professionnelle des Entreprises en LogicielsLibres salue la volonté politique exprimée de modifier en profondeur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles actuelles et adhère en tout point aux objectifs de la politique-cadre.

Nous saluons la reconnaissance, tant attendue, par l'État du rôle que notre industrie peut jouer dans le processus de modernisation de l'État québécois.

Les changements à opérer sont immenses; ils doivent se faire progressivement et de manière raisonnée. Ils doivent se faire par contre avec détermination.

Cependant je dois faire observer, que, pendant que le gouvernement du Québec annonce une politique des petits pas, le reste du monde, lui, court.

Je dois également faire observer que les cinq objectifs de la politique-cadre sont affichés sur le site web du Ministère des Services Gouvernementaux depuis de nombreuses années, y compris à propos du logiciel libre.

Nous souhaitons, dès à présent, apporter notre contribution en suggérant à la commission un certain nombre d'amendements au projet de loi 133 qui permettront au gouvernement d'avoir réellement les moyens nécessaires pour mener à bien cette politique. Une partie de ces propositions ont été déposées ce matin au secrétaire de la commission et, puisque le temps m'est compté, je souhaiterais simplement insister sur deux d'entre elles qui nous paraissent essentielles.

La loi doit prendre acte du changement de paradigme majeur que j'évoquais en introduction : les systèmes d'information de l'État n'ont plus seulement comme fonction d'automatiser des processus de production, mais forment un tout indissociable et constituent dorénavant un patrimoine numérique qu'il s'agit d'enrichir, de développer et de protéger.

La loi doit donner le mandat au dirigeant principal de l'information - ou bien au Conseil du trésor - de s'assurer que l'État possède la pleine propriété sur ce patrimoine commun.

Une deuxième proposition sur laquelle j'aimerais insister consiste à donner des moyens concrets au Dirigeant principal de l'information pour tirer profit des logiciels libres.

Les deux grands avantages du logiciels libres sont d'ordre financier et méthodologique :

1. Ils permettent de mettre en œuvre la mutualisation des ressources logiciels et
l'expertise professionnelle, ouvrant la voie à des économies considérables.
2. Ils permettent de mettre en œuvre des processus innovants quant à la gouvernance
de projets informatiques (Agile), permettant de mener à bien des projets complexes.

Si le gouvernement souhaite tirer profit du logiciel libre, il doit mettre en place un lieu où cette mutualisation et cette nouvelle gouvernance se réalisent. Et inversement, sans ce lieu, l'État ne pourra pas tirer profit du logiciel libre.

Pour cela, l'APELL propose d'intégrer dans la loi la création d'un Centre d'innovations et de convergence numérique du Québec, dont le rôle moteur doit être :

Innover, mutualiser, conseiller.

Innover : avoir un coup d'avance sur les Ministères et organismes, donner une vision tant au niveau des outils qu'au niveau des modèles organisationnels (méthodologie Agile).

Mutualiser : minimiser les dépenses redondantes, maximiser les expertises offertes, organiser la collaboration et le partage des ressources entre les Ministères et organismes, fédérer les Ministères autour d'une vision commune.

Piloter/conseiller : les grands projets de l'État numérique .

Passer d'une logique de centre de coût (ventes de services partagés) à un centre de création de valeurs (innovation et modernisation). Concentrer du savoir-faire. Agir comme Centre d'expertises et de formation en Logiciels Libres. Organiser la mutualisation des développements.

Par leur nature pérenne et par les méthodologies qui sont mises en œuvre, les logiciels libres permettront à l'État d'investir de façon optimale et rigoureuse.

Par la capacité d'organiser le travail collaboratif et la mutualisation des ressources informationnelles et humaines, les logiciels libres permettront à l'État d'optimiser la gestion de l'expertise et du savoir-faire.

Par le contrôle complet qu'ils donnent à son propriétaire, les logiciels libres permettront d'assurer et de garantir à l'État une véritable sécurité de ses systèmes d'information.

Ce centre d'innovation  et de convergence numérique sera l'outil qui permettra de faire des ressources informationnelles le levier de transformation et de modernisation de l'État québécois.

Nous insistons : les difficultés de gouvernance et de gestion des ressources informationnelles de ces dernières années ne sont pas dues à une simple défaillance au niveau de la gestion budgétaire. Elles trouvent leurs causes dans une vision dépassée des technologies disponibles et des structures organisationnelles inadaptées - je pense notamment au CSPQ.

Le Centre d'Innovation et de Convergence Numérique du Québec est l'outil qui permettra au gouvernement de relever les défis de la politique-cadre.

Allocution d'ouverture du Salon du Logiciel Libre de Québec

Il y a bien longtemps que je ne me suis pas exprimé sur ce blog. Hier a débuté le Salon du Logiciel Libre de Québec. Voici mon allocution d'ouverture :

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais tout d'abord remercier M. Robert Mantha, Doyen de la Faculté des Sciences de l'Administration et Monsieur Denis Brière, Recteur de l'Université de Laval, pour avoir eu l'extrême gentillesse de mettre à notre disposition, non seulement ces magnifiques espaces, mais également une formidable équipe d'un grand professionnalisme qui, sans laquelle, je dois dire, nous aurions été complètement dépassé par l'ampleur du succès de l'événement. Je voudrais aussi particulièrement et chaleureusement remercier Daniel Pascot, pour avoir permis d'établir les premiers contacts. Le professeur Pascot, mon complice et ami, est également président de l'association FACIL. FACIL, pour l'Appropriation Collective de l'Informatique Libre.

Mesdames, Messieurs, trois grands chantiers attendent le Québec. Ces trois grands chantiers, bien qu'en apparence indépendants, sont en fait étroitement liés, et, j'en ai la profonde conviction, détermineront la prospérité et l'avenir du Québec.

Le premier d'entre eux est le chantier de la connectivité Internet. Le deuxième est celui du logiciel libre, le troisième chantier, celui du gouvernement ouvert.

Comme vous le savez, le Québec souffre d'un retard dramatique quant à la connectivité Internet et ce retard se creuse chaque jour avec le reste du monde.

Pourtant, il est clair maintenant pour tous que l'avenir des économies de nos pays passera par le numérique. Il est clair que l'essentiel de nos richesses transitera à travers ces réseaux. Les entreprises ont besoin de réseaux performants pour communiquer avec leurs fournisseurs, avec leurs employés, avec leurs partenaires, mais surtout avec leurs marchés. L'État a besoin de réseaux performants pour se moderniser, fournir des services adaptés et communiquer efficacement avec ses administrés.

Des réseaux performants sont également essentiels pour tous les citoyens : l'étudiant pour communiquer avec ses professeurs, pour accéder aux savoirs ; le citoyen ordinaire, chacun de nous qui, aujourd'hui, organise sa vie sociale, exprime ses opinions, s'implique dans la cité à travers ces réseaux.

C'est aussi un enjeu essentiel pour le désenclavement de nos régions et pour la maitrise de notre territoire. Quelle entreprise aujourd'hui serait prête à s'installer dans des régions éloignées sans un accès Internet performant et à moindre coût ?

Je le dis en tant qu'entrepreneur, en tant que président d'une Association professionnelle d'entreprises : c'est à la collectivité, pour ne pas dire à l'État, comme pour le réseau routier, d'organiser et de mettre en place ces infrastructures. Il existe des solutions. Le Québec possède un outil puissant qui s'appelle Hydro-Québec. Partout où il y a des fils électriques, nous devons demander à notre compagnie nationale d'y adjoindre de la fibre optique.

Un mot rapide sur l'économie de l'Internet. Deux problématiques très concrètes sont au cœur de son développement : comment alimenter en électricité cette fantastique machinerie et comment la refroidir. Je pense qu'il est inutile ici de rappeler que le Québec possède des atouts considérables et exceptionnels.

C'est une question de choix : soit le Québec revend son électricité à bas coût aux provinces et pays voisins, et là-bas se créeront des emplois, de la richesse et du savoir-faire ; soit le Québec utilise son électricité pour bâtir un formidable projet collectif porteur d'espoir, créateur d'immenses richesses et de dizaines de milliers d'emplois.

Oui, nous pouvons et devons faire du Québec le centre de l'Internet de l'Amérique du Nord.

La question du logiciel libre.

Mesdames, Messieurs. La situation au Québec me fait penser à un vieux et magnifique film japonais que j'ai revu récemment et que peut-être connaissez-vous. Il s'appelle La Harpe de Birmanie. Ce film d'Ichikawa relate l'histoire d'un jeune soldat japonais envoyé, plusieurs semaines après la capitulation, tenter de convaincre une garnison retranchée de se rendre. «La guerre est finie, venez reconstruire notre pays plutôt que de vous sacrifier inutilement au nom de valeurs dépassées. » Voilà le message qui leur adresse. Alors, aujourd'hui, ma harpe c'est ce petit micro, et je viens dire, à ceux qui refuse d'ouvrir les yeux, qu'en termes d'efficacité et de décisions d'affaire, la bataille du logiciel libre est gagnée.

Elle est gagnée à peu près partout dans le monde sauf au Québec. Dois-je rappeler que la plus formidable création de richesse de ces dernières années s'appelle Google ? Cette extraordinaire aventure s'est construite grâce au logiciel libre.

Dois-je dérouler la liste de ces empires qui se sont constitués en quelques années sur Internet et ont changé notre vie ? Google, Wikipedia, Ebay, facebook, Twiter, Paypal, LinkedIn... J'arrête l'énumération de la liste, car ce qu'il y a de remarquable dans cette liste c'est qu'elle ne souffre aucune exception : toutes les innovations technologiques issues de l'Internet de ces dernières années sont construites sur du logiciel libre.

Mesdames, Messieurs, le logiciel libre est la conséquence d'un nouveau cadre juridique qui organise le commerce du logiciel. Il organise ce commerce sous la forme d'un marché libre et concurrentiel. Il s'oppose à l'ancien modèle qui organisait le marché dans une logique de monopoles.

Aujourd'hui, la question politique se pose clairement : sommes-nous pour un marché libre et concurrentiel ou pour un marché qui relève d'une logique de constitutions de monopoles dont l'essentielle de la plus-value nous échappe ?

Cette question, les responsables politiques du Québec doivent publiquement y répondre et tirer les conséquences de leur réponse.

Le logiciel libre constitue une opportunité unique pour les entreprises québécoises, pour l'indépendance technologique et la compétitivité du Québec.

Il est la condition de la modernisation de l'administration publique.

Le logiciel libre est un outil de souveraineté et de politique industrielle ; il est un moyen de maîtrise des finances publiques. Parce qu'il est créateur d'emplois locaux et à haute valeur ajoutée, le logiciel libre participe à un développement économique durable. Le logiciel libre assure aux citoyens une utilisation transparente de l'argent public. Il participe à la préservation des libertés fondamentales à l'ère du numérique et au partage du savoir.

Le logiciel libre n'est pas une question de gauche ou de droite, ça n'est pas non plus une question de fédéralisme ou de souverainisme. C'est pourtant une question politique majeure.

Pour assurer sa prospérité de demain, le Québec doit se confronter à la modernité.
Nous avons les moyens de faire du Québec le chef de file mondial de l'industrie du logiciel libre. C'est en tout cas mon ambition, j'y travaillerai sans relâche.

Pour conclure, je voudrais évoquer ce qu'on appelle le gouvernement ouvert. Cette question sera traitée demain en profondeur au cours de plusieurs tables rondes. Elle est essentielle, et ne se résume pas à la mise à disposition par des entreprises privées, des données publiques. Cette question relève davantage, me semble-t-il, tout simplement, de l'appropriation collective de l'informatique libre.

Une connectivité Internet qui couvre l'ensemble du territoire associée à une politique ambitieuse d'utilisation de logiciels libres ouvrent la voie à la refondation du pacte social entre les citoyens et l'État.

J'invite chacun à réfléchir à ce nouveau type de lien social que les nouvelles générations inventent en collaborant ensemble sur Internet pour construire ces logiciels qui façonnent aujourd'hui notre vie. Un nouveau lien qui s'appuie sur les valeurs de liberté, de tolérance, de travail, de partage et de collaboration.

Mesdames, Messieurs, je forme le vœu que le Québec se souvienne.

Je forme le vœu que le Québec se souvienne que ce sont précisément sur ces valeurs que ce pays s'est construit à travers le temps.

Et, j'en ai l'intuition, c'est précisément parce que les valeurs de la société québécoise faites de liberté, d'ouverture à l'autre, de travail, de partage rencontrent celles du logiciel libre que nous sommes aujourd'hui si nombreux.

Ce grand projet collectif qui nous attend, c'est celui de la modernité et de l'espoir, c'est aussi celui du Québec tout entier porté par ses valeurs.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie.

Une étape importante

Voilà une première étape importante de franchie ! Un des grands partis du Québec prend une position claire et sans ambiguïté !

http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/logiciels/200906/16/01-876237-contrats-publics-a-microsoft-le-pq-demande-la-suspension-dun-avis-dintention.php

Directive interne du Ministère de l'éducation, loisirs et sports.

Cette information a déjà été commentée par la presse, en particulier par Tristant Péloquin qui a écrit une série de deux articles très bien documentés.

Ci-joint cette directive :
lettre-microsoft07-cs.pdf

CLLAP 2008

La CLLAP 2008 se déroulait jeudi et vendredi dernier à Québec. La CLLAP, c'est la Conférence Logiciel Libre et Administrations Publiques. Il y avait cette année, une ambiance particulière. Ce fût un grand succès. L'organisation, impeccable, les conférences d'un très grand intérêt, le public très nombreux et d'une grande qualité. Je suis intervenu vendredi, voici mon petit discours.

Mesdames, Messieurs,

Le logiciel libre repose sur le droit pour un
auteur de divulguer son logiciel avec son code source et d'accorder à
tous le droit de l'utiliser, le copier, l'adapter et le
redistribuer, en version originale ou modifiée,

Le logiciel libre constitue une opportunité unique pour
les entreprises québécoises, pour l'indépendance technologique et la
compétitivité du Québec,

Le logiciel libre constitue aussi une opportunité unique pour
l'administration québécoise.

Le logiciel libre est un outil de souveraineté et de politique
industrielle ; Il est un moyen de maîtrise des finances publiques.

Parce qu'il est créateur d'emplois locaux et à haute valeur
ajoutée, le logiciel libre participe à un développement
économique durable.

L'utilisation de logiciels libres garantit un
marché libre, équitable et concurrentiel.

L'utilisation de logiciels libres assure aux
citoyens une utilisation transparente de l'argent public.

Le logiciel libre participe à la préservation
des libertés fondamentales à l'ère du numérique et au partage du
savoir.

Le logiciel libre garantit l'égalité d'accès de
toutes les québécoises et de tous les québécois aux nouvelles richesses
de l'ère du numérique.

Vous l'aurez compris, la question du logiciel libre est éminemment une
question politique.

C'est pour cela que je me réjouis que cette année, les organisateurs de
cet événement ont pensé à réunir autour d'une table les représentants
de tous les partis politiques du Québec pour parler de cette question.
Je
me réjouis encore plus que la plupart d'entre eux aient accepté cette
invitation.

25 ans de métier m'ont appris que la pire des approches en
informatique,
c'était l'idéologie.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que le logiciel libre soit une
alternative. Non, il n'est pas une alternative, il est une nécessité;
une condition de l'avenir. Quant à aujourd'hui, le logiciel libre est
un complément indispensable des
systèmes d'informations des organisations. C'est à partir de cela qu'il
faut partir pour bâtir cette stratégie audacieuse dont le Québec a
besoin.

Se battre pour la mise en place d'une politique déterminée
d'utilisation du logiciel libre au sein des administrations publiques
ne veut pas dire se battre contre une administration ou contre un
gouvernement, c'est encore moins se battre contre tel ou tel
fournisseur. C'est se battre d'abord pour le Québec tout entier et pour
toutes les valeurs dont il est porteur. Le logiciel libre ne divise
pas, il réunit. Il réunit les machines et les applications, il réunit
avant tout au travail les hommes et les femmes.

C'est donc réunis par le dialogue et par la concertation que nous
devons travailler ensemble.

Mesdames messieurs, je vous remercie.

Deux courriels à Madame Monique Jérôme-Forget

Je publie ces deux courriels pour compléter le dossier.

Le premier date du 4 avril 2007. Je recevais une réponse le 18 septembre 2007, quelques jours après la publication de l'article "la longue route du logiciel libre au Québec" que vous pouvez trouver dans la section article de ce site.

Le deuxième date du 20 janvier 2008, il y a un peu plus de deux mois.  Je n'ai toujours pas reçu de réponse.

MoniqueJeromeForget-1.pdf

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